Du sens des noms des plats et des mythes gastronomiques

Les plats ont des noms qui permettent de les reconnaître. Et lorsqu’on fait un choix au restaurant, au marché, chez le traiteur ou chez le pâtissier on s’attend à déguster quelque chose d’assez précis. Je suis bien placée pour savoir qu’une recette identique peut donner des résultats différents selon la personne qui la réalise car chacun d’entre nous avons une sensibilité et une expérience en cuisine qui nous est propre. Mais ces variations font aussi partie du charme de la dégustation.
Hier, en ville, j’ai été prise d’une petite faim au milieu de l’après-midi. Je suis entrée chez un boulanger pâtissier qui n’avait rien de salé à me proposer (hormis des gros sandwichs). Je ne suis pas très sucre et je n’avais pas très faim alors je me suis rabattue sur une brioche aux amandes portion puisqu’il n’y avait pas d’autre choix. J’ai eu l’impression de manger une galette des rois qui en plus n’était pas cuite ! Mais pourquoi l’appeler brioche ? Ça n’avait ni la texture, ni le goût d’une brioche ! Ni d’un muffin, ni d’une madeleine ni de rien ! Et en plus comme ce n’était même pas bien cuit je n’ai pu rien manger (moi qui ai horreur de jeter de la nourriture)
Aujourd’hui, pour me détendre je surfe sur le site en cherchant un pâté lorrain et je tombe sur des quiches lorraines que je regarde distraitement : oignons et lardons revenus à la poêle avant de les couvrir de crème de soja sur une pâte brisée sans gluten !!! C’est probablement bon, la question n’est pas là, mais il ne faut pas parler de quiche lorraine …. A force de détourner les noms des plats et des produits on finira par ne plus savoir ce qu’on mange, ce qu’on achète ou ce qu’on commande.
Mais peut-être avez-vous un autre avis…ou d’autres expériences à partager.

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Le sens des noms des plats a mal évolué.
Combien de personnes savent ce que signifie crécy, dubarry, florentine.
Qui fait la différence entre gratin dauphinois et savoyard,?

Je crois que le Web est pour beaucoup dans cette mauvaise évolution, trop de recettes fleurissent et en fait n’ont rien de concret avec le titre proposé par l’auteur.
Pourquoi tarte salée et non quiche ?

Merci pour le commentaire. Il parle, il est honnête , il est bien ecrit. Vous auriez pu rajouter les plats cuisinés surgelés des supermarchés :slight_smile: Oui, notre société est minée. Il faut faire attention a ce qu’on nous propose à manger.

Combien de personnes savent ce que signifie crécy, dubarry, florentine.
Qui fait la différence entre gratin dauphinois et savoyard,?

C’est vrai qu’on entend de moins en moins ces appellations mais ,heureusement, il y a quand même des gens curieux qui lisent et s’instruisent et savent que Madame Du Barry, dernière favorite de Louis XV, avait la peau blanche comme un chou-fleur, qu’à Crécy-en-Ponthieu on cultivait jadis des carottes d’une grande réputation, et que la florentine n’est autre que Catherine de Médicis qui, en arrivant en France, introduisit ,entre autres nouveautés, son goût pour les épinards…
Tout n’est donc pas perdu heureusement! :smile:
Et pour ce qui est des gratins: dauphinois sans fromage et savoyard avec fromage.
Une petite question: Est-ce que j’ai gagné quelque chose avec toutes ces bonnes réponses? :sweat_smile: :sweat_smile:

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Et que penser de toutes ces recettes affublées de … « ma grand-mère »
C’est fou ce que les anciens sont valorisés… et pourtant si dédaignés, mais je m’éloigne du sujet.

Oui, j’aurais pu mais là j’aurais affirmé de choses que je ne connais pas vraiment car je ne suis pas une habituée des plats cuisinés ni en surgelé ni en conserve ou sous vide. Je pouvais cependant m’en douter et vous m’apportez la confirmation. Merci donc pour cette précision,

En lançant ce sujet j’ai parlé des noms des plats qui sont soit ignorés soit détournés mais effectivement on peut parler aussi de tous ces adjectifs ou ces attributs à la mode, censés nous faire miroiter des paradis perdus, des trésors de vitalité (on pourrait presque prétendre à l’immortalité, les amis :wink: ) ou que sais-je encore … On n’a que l’embarras du choix dans cette période de forte inflation de mythes gastronomiques !

Pour ce qui est du mythe de la cuisine « de grand-mère » cela me fait doucement rigoler car si on y réfléchit, pour être juste, il faudrait plutôt parler de cuisine d’arrière-grand-mère.

En effet, les grand-mères d’aujourd’hui, en tout cas pour une bonne partie des citadines et avec des très honorables exceptions, font partie de la génération qui a vécu de plein fouet le développement de l’industrie agroalimentaire dans les années 70 et 80. Cuisinier était devenu presque rétrograde (je me souviens encore des remarques qu’on m’a faites à l’époque -même si elles était faites sans aucune méchanceté- ). L’industrie alimentaire allait s’occuper de nous nourrir tous et on « ne perdrait pas notre temps » dans des longues préparations fastidieuses. On pouvait réduire les cuisines des appartements à des proportions proprement incongrues sous prétexte que la cuisine devenait une sorte de « petit laboratoire » plein d’équipements où on n’allait plus réaliser que des tâches de finition : désempaqueter, réchauffer, éventuellement ajouter, dans un abcès de créativité suprême, un petit hachis d’herbes.

Donc non, la cuisine de grand-mère n’en est pas une ou en tout cas, pas celle qu’on fantasme avec cette expression et si on veut, comme vous dites, mettre en valeur nos anciens, il faudrait remonter encore d’une génération.

Heureusement que , pour ceux qui aimons et nous intéressons au monde de la cuisine dans un sens large, les visionnaires de cette époque (les années 70 et 80) se sont fourvoyés. Et à juger par le nombre d’émissions, de livres, de forums, de blogs et de sites divers consacrés à la cuisine, l’intérêt de beaucoup de jeunes est bien là. Je connais quelques jeunes, même célibataires, qui se passionnent pour le sujet : ils s’équipent, ils posent des questions, consultent des livres et des sites, font des expériences, etc.

En tout cas, comme conclusion (et moralité) je dirais que l’avenir n’est jamais prédictible, et ce quel que soit le domaine qu’on considère , ce qui quelque part est bien rassurant

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Ton sujet est aussi « marrant » que « pertinent ». J’en ai moi même bien marre de ces gens qui te « nommes » des plats de manière totalement fallacieuse par rapport à ce qui est la recettes codifiée et donc de base. Promis, nous sommes le 24/03/2022 et sous 15 jours (07/04/2022), je posterai la recette des « Rillons de Tours », directement repompée sur un site d’enseignement professionnel que je nommerai, évidemment ! Marre des conneries intitulées « Rillons de Tours » alors qu’il s’agit d’un vague sauté de porc !

Est-ce vraiment si « grave » et ce qui compte n’est-il pas ce qu’il y a dans l’assiette ?.. Et puis, toutes ces appellations sont aussi une forme de poésie suspendue… le temps de piquer la fourchette dans le plat annoncé… et pour ceux ou celles qui les utilisent certainement de beaux souvenirs qu’ils convoquent. Alors si cela leur fait plaisir, par les temps qui courent, c’est toujours ça de pris… Bon dimanche à toutes et tous. M.

Bonjour Méline

Oui, je le trouve. Le langage est fait de conventions, c’est vrai, mais il faut un référent commun car sinon on ne se comprend pas. C’est-à-dire, tel mot, telle expression désigne un objet, une émotion ou un concept qui est commun à l’ensemble des locuteurs d’une langue. Le nom d’une recette désigne donc, pour l’ensemble des mangeurs ou de cuisiniers, un plat bien précis avec des ingrédients bien précis qui admet certaines petites variantes mais pas trop quand même car il faut que le plat soit reconnaissable comme répondant à la désignation.

Que se passerait-il si vous commandiez sur le net un canapé en cuir vert, par exemple, et qu’on vous livrait des chaises en toile rouge ? Pourtant leur fonction est la même (on s’y assoit), la couleur rouge peut vous évoquer aussi de beaux souvenirs et, la toile, ajouter une touche d’originalité et de poésie à votre salon devant votre table basse et votre télé (plutôt que le sempiternel canapé en cuir !). Vous voyez bien que lorsque vous commandez un canapé vous ne voulez pas qu’on vous envoie des chaises. C’est pareil quand on commande une Quiche Lorraine ou une Brioche on ne veut ni une Tarte salée au soja et au fromage sans gluten ni une Galette de Rois (les deux exemples qui m’avaient fait ouvrir ce sujet il y a déjà bien longtemps)

Oui, je suis d’accord, à condition que l’appellation soit originale : pourquoi lui donner [au plat en question] le même nom qu’à une recette classique qu’on a détournée. Poussons l’originalité jusqu’au bout et donnons-lui un nom original qui ne désignera que ce nouveau plat : là on aura vraiment « un moment de poésie suspendu » comme vous dites si joliment.

Justement, ce n’est pas en donnant à leur création originale le nom d’un plat archi-connu qu’ils vont convoquer des beaux souvenirs. Par contre ils peuvent les convoquer en donnant un nom à leur plat qui récrée le contexte où la recette a été imaginée, le « Poulet à l’improviste » de M. de Marsan , étant un exemple ou encore les « Sapaghettis des étoiles » comme j’ai baptisé un de mes plats personnels à cause du sujet de conversation à table lorsqu’on les a dégustés. Mais on peut trouver aussi des noms descriptifs et évoquer plus succinctement dans le titre de sa recette soit sa composition (« Blettes aux épices orientales ») soit un procédé de cuisson, soit les deux en même temps (« Poulet rôti mariné au paprika »)

Bref, à mon avis, il vaut mieux se casser un peu la tête ce qui évitera aux convives de se faire des illusions sur un plat et d’être déçus au premier coup de fourchette…. Une Quiche Lorraine doit ressembler suffisamment à une Quiche Lorraine pour épouser l’idée que le mangeur se fait dans sa tête avant le premier coup de fourchette : « la poésie suspendue » sera confirmée ou pas par la subtilité des dosages, le croustillant de la pâte, la qualité de la crème… Parce que c’est bien connu : la perception de ce qu’on a dans l’assiette est faite aussi (et-souvent- surtout) de l’idée qu’on s’en fait du plat avant de le déguster et des impressions visuelles plutôt que des seules impressions gustatives : comment expliquer sinon que lorsque l’on déguste un vin rouge « à l’aveugle » on puisse le prendre pour un vin blanc ?

Même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous sur ce point, je suis quand même heureuse de vous relire, depuis tout ce temps! :blush: